Quand Saint-Pierre accueille Un bruit étrange et beau de Zep

À l’occasion du festival de la bande dessinée d’Angoulême, le nouvel ouvrage de Zep est mis à l’honneur au sein de la Cathédrale Saint-Pierre.

Des planches d’Un bruit étrange et beau sont exposées au cœur de la nef. Avec cette nouvelle œuvre, l’auteur de Titeuf continue d’explorer de nouveaux territoires pour des lecteurs plus matures.

Au fil de leur déambulation, les visiteurs découvrent des dessins aux tons très doux évoquant la contemplation et le recueillement à travers le personnage de William. Moine chartreux reclus depuis vingt-cinq ans, celui-ci est forcé de revenir au monde, qui plus est à Paris, suite au décès de sa tante.

Les montagnes entourant son monastère laissent ainsi place à l’agitation urbaine de la capitale. Les récitatifs, ou petits encadrés accompagnant l’illustration d’une case, nous permettent d’écouter la voix intérieure de ce « fantôme », un être disparu revenu parmi les vivants, tel qu’il se décrit lui-même. Ce procédé de narration, le choix d’une variété de monochromies ainsi que l’absence de texte dans de nombreuses vignettes renforcent l’impression d’un silence prégnant. Un silence exhausteur de sens.

Qu’il s’agisse de sentir le vent, de voir l’orage arriver en haut des cimes ou bien d’expérimenter des synesthésies comme « goûter les odeurs » de la ville, le lecteur est amené à regarder son environnement autrement, à se poser des questions sur le sens profond de l’existence. Tout comme l’intervention du monde extérieur interfère également dans la vie de William. Il renoue avec son passé et fait la rencontre d’une femme condamnée à mourir et cependant déterminée à profiter de ses derniers instants. C’est ainsi que des dialogues se nouent et le conduisent à s’interroger sur ses décisions passées et ses convictions.

La poésie et la sensibilité émanant de l’ensemble permettent une pause salutaire dans notre société où tout va trop vite.

Stool series, Matthew Darbyshire

Matthew Darbyshire présente au Collège des Bernardins une œuvre associant deux tabourets préexistants dans une vitrine à deux étages. L’un a été conçu par Philip Starck pour la marque Kartell. L’autre est un siège traditionnel Luba, un peuple d’Afrique Centrale. En les assemblant dans ce qui pourrait s’apparenter à un ready-made, Darbyshire nous invite à étudier les modes de consommation actuels.

Un nain manufacturé semble à la fois refléter et contraster la statuette africaine qui le surmonte. Le parallélisme établi par la posture et la couleur des silhouettes suggère des points de référence communs aux civilisations occidentales et africaines qui sont toutefois quelque peu pervertis par les côtés kitsch et manufacturé du tabouret de Starck.

Cette figure du gnome, censée veiller sur les trésors de la terre, paraît s’opposer au nom que lui a donné Starck: «Attila». Originellement, ce tabouret faisait partie d’un ensemble composé d’une table sous forme de tronc et d’un autre nain baptisé «Napoléon».

Ainsi, loin de veiller sur les richesses naturelles, ces nains s’en emparent tels des empereurs voulant régner sur le monde. On peut donc voir à travers cette image une référence à l’influence croissante du consumérisme.

En superposant un tabouret traditionnel en bois à cette effigie en plastique de notre société de consommation, Darbyshire, derrière l’aspect comique de l’œuvre, engage une réflexion plus profonde autour de notre vie contemporaine. L’objet de consommation, censé être porteur de confort, devient alors un vecteur d’insatisfaction et une source de malaise.

Note : cet article a initialement été rédigé pour le Collège des Bernardins à l’occasion de l’exposition Des hommes, des mondes s’étant déroulée de mars à juin 2014.